Les émotions de l’alliance thérapeutique

4629_2bc2a87a7f19a1d« Il tenait mes deux mains serrées entre les siennes pendant de longues heures, presque comme un cordon ombilical, tandis que moi, j’étais allongée, souvent cachée sous la couverture, silencieuse, inerte, renfermée, paniquée, enragée ou en larmes, endormie et quelque fois rêvant »

Ce « Il », c’est D.W. Winnicott, pédiatre et psychanalyste anglais parmi les plus novateurs de sa génération, à qui nous devons notamment les concepts d’« objet transitionnel » ou de « mère suffisamment bonne ». Le texte, quant à lui, a été écrit par Margaret I. Little, Psychanalyste anglaise. Il constitue pour moi, l’une des plus émouvantes lectures d’une expérience thérapeutique.

De ce parcours d’analyse avec Winnicott, dont M. Little témoignage dans son livre[1], elle garde le sentiment « d’une gratitude profonde et durable (…), qui m’a donné la capacité de trouver et de libérer mon vrai self, ma spontanéité, ma créativité et ma capacité à jouer ; il a instauré ma santé mentale sans me laisser seulement saine d’esprit ».

Donald et Margaret, Margaret et Donald


Et pourtant la relation fut compliquée. Mais existe-t-il une relation thérapeutique simple ? Elle décrit dans ce témoignage quelques étapes de la création de sa relation avec Winnicott. En voici quelques unes.
 Ainsi, ce moment, au cours duquel dans son désespoir et dans sa conviction de ne pouvoir être comprise, elle attrapa un vase, posé sur la cheminée, qu’elle brisa et piétina. Par la suite, Winnicott lui expliqua qu’elle avait « détruit quelque chose à quoi il tenait beaucoup ».

Elle décrit comment, lors de ses longues séances d’analyse, Winnicott à ses côtés, comme une mère qui veille son enfant, parfois, somnolait, s’endormait, se réveillant en sursaut ce qui la faisait enrager.

 Plus tard, alors qu’elle lui raconte la perte d’une amie et la culpabilité ressentie, elle constate qu’« il versa des larmes – pour moi – et je pus pleurer comme jamais auparavant et enfin faire mon travail de deuil ».

 Avec lui, elle apprit l’importance du jeu dans le développement d’une relation. « Il croyait  à la valeur d’une relation qui peut apporter aussi encouragement et plaisir » dans le jeu et dans un espace de créativité loin des jeux utilisés « comme défense contre l’angoisse » ou comme « bouclier contre la colère ». Elle note que pour Winnicott, « Etre humain était la chose primordiale et le jeu était une partie essentielle de la vie à n’importe quel âge ».

De la relation …


Avec le temps et compte tenu de leur métier commun et de l’évolution du travail thérapeutique, Winnicott a commencé à partager avec sa patiente des éléments de sa vie, de sa pratique et de son propre développement en tant qu’analyste.  Ce partage d’éléments de la vérité humaine de Winnicott a fait partie intégrante de son processus thérapeutique. M. Little ajoute «  le fait qu’il me laissait partager quelque chose de cela me donnait un sentiment de sécurité ». Et quelques lignes plus loin, elle précise « Mais, surtout, D.W. Winnicott devint pour moi, une vraie personne vivante avec qui j’avais une relation qui était née des années plus tôt et qui n’était plus désormais basée seulement sur le transfert ».

 Une vraie personne en relation avec une autre vraie personne.

 

[1] Margaret I. LITTLE, Des Etats-limites, traduction Gabrièle Nagler & Michelle Tran Van KhaÏ, Edition des Femmes