Et l’inconscient répéta, répéta, rép …

13413720_1087156191322732_8276883587266540022_nUne chose est sûre : nous forgeons notre propre destin. Malchance et prédestination sont bien souvent des alibis pour cette idée inacceptable : Notre inconscient nous pousse à créer, ou plutôt à recréer des situations qui reproduisent à l’infini le scénario de nos premiers conflits infantiles, ou celui des traumatismes dont nous avons été victimes.

Ainsi nous plaignons-nous de ces manipulateurs qui nous persécutent sans cesse, des ces amitiés qui finissent toujours en trahison, de ces amoureux invariablement jaloux ou infidèles, etc.

Pourquoi nous répétons …

Sorcier malfaisant ou lutin facétieux, l’inconscient cherche par tous les moyens une issue à la souffrance. Et cette souffrance s’ancre dans nos premières expériences de vie, dans nos premières angoisses. Parmi les facteurs à l’origine de ce que nous, psychanalystes, nommons la compulsion de répétition, on trouve les angoisses persécutrices et dépressives, et les sentiments de culpabilité qui nous amènent à nous replacer dans des situations symboliquement identiques à ce que nous connaissons déjà, tout en restant bien souvent inconscients de notre participation active à l’enchaînement des évènements.

Mais nous ne répétons pas tout. La répétition ne s’enclenche qu’à partir d’évènements ou de situations de vie impossibles à comprendre, impossibles à se représenter, qui ne font pas sens dans nos ressentis, et par conséquent, dans notre histoire. Nous les appelons psycho-traumatismes. Contrairement au sens communément utilisé, le traumatisme n’est pas systématiquement une effraction soudaine et violente, comme un viol, une maltraitance ou une agression. Il peut également se développer progressivement et subtilement en une succession de microtraumatismes. En revanche, ce qui définit toujours le traumatisme, c’est un trop plein d’émotions ou d’excitations sensorielles chez un sujet trop faible ou trop immature pour l’amortir.

Lacan nous dit que « Ce qui a été exclu du symbolique reparait dans le réel ». Cette phrase nécessite quelques explications. Une émotion forte qui n’a pas été parlée ou pensée ne peut être représentée. Revenons au nourrisson : Le petit qui découvre la vie a besoin de sa mère pour nommer ses moindres ressentis afin de se les représenter puis de comprendre comment les apaiser (le ressenti : La faim, l’apaisement, le biberon). Il en va de même pour les émotions. L’enfant, quelque soit son âge, a besoin d’un tiers pour l’aider à donner du sens à ce qu’il vit. Qu’il s’agisse de conflits relationnels, réels ou fantasmés, ou de traumatisme, nos expériences doivent s’inscrire dans notre histoire, y trouver une place et une signification. Lorsque ce n’est pas le cas, cette émotion générée par une situation incompréhensible va errer dans l’inconscient à la recherche de la moindre occasion, réelle, de se revivre dans l’espoir de trouver la représentation qui l’apaise. Autrement dit, elle a besoin d’être nommée pour être intégrée.

Nommer signifie symboliser. Prenons un exemple : Je me promène au Pôle Nord et je vois un igloo. Si je n’en ai jamais vu auparavant, même en photo, je ne vois qu’un amas de blocs de glace qui peut dissimuler n’importe quel danger inconnu. Lorsque l’on me dit : « C’est un igloo, l’igloo est la maison des esquimaux », l’image prend soudain tout son sens car elle a trouvé sa « représentation », et peut se relier à d’autres représentations : le lieu de vie, la famille, la sécurité, etc… Je peux continuer mon chemin sur la glace en toute quiétude.

Nous l’avons dit, le traumatisme se définit par une émotion qui ne dit pas son nom. Pour l’enfant qui le subit, il s’agit d’une excitation sensorielle massive, que l’inconscient fixe comme une expérience négative de satisfaction.

Dès lors, le sujet adulte aura des difficultés à trouver d’autres modes de satisfaction que celui, violent, éprouvé dans l’enfance. Juan David Nasio écrit que l’ « on peut expliquer la cause de la répétition pathologique comme l’attraction irrésistible exercée par un modèle exclusif et malsain de satisfaction.»

Nous pourrions dire aussi, que nous répétons parce que nous ne savons pas faire autrement. Notre cerveau, nos neurones et les connexions synaptiques qui nous font agir, constituent la base de nos apprentissages conscients et inconscients, positifs et négatifs.  Nous ne sommes pas systématiquement conscients de nos répétitions, nous pensons même souvent, que cette fois, ce sera différent sans réaliser que non, l’issue sera probablement la même parce que nous avons appris, intégrer ce modèle de satisfaction que J-D Nasio appelle malsain parce que mauvais pour nous.

Et comment interrompre ce processus …

En fin de compte, cette notion de répétition porte en elle-même son drame et sa solution. Elle peut être considérée comme l’un des fondements du travail thérapeutique puisqu’il y une bonne probabilité, voire une totale certitude, qu’avec le thérapeute, nous allions, là encore répéter, mais cette fois, en pensant et donc en symbolisant ces émotions intenses qui étaient jusque là sans représentations.

C’est en quelque sorte la bonne nouvelle du principe de répétition : Puisqu’il s’agit d’apprentissage, nous pouvons apprendre à vivre autrement, expérimenter d’autres modes de satisfaction, cette fois en positif, sortir des projections, revoir nos croyances, recevoir de l’amour ou de la reconnaissance inconditionnels s’ils ont manqué,  et apprendre ainsi à lire et à organiser autrement les situations de notre vie.

Christine Jacquinot & Marie Marvier – Juin 2016