Introduction du Café Psy – Mars 2015. « Désirer provient du mot latin « desirare » qui signifie littéralement « cesser de contempler l’étoile, l’astre ». Autant dire qu’il s’agit de prendre conscience de l’absence, donc du manque.
Cette idée du regret de l’absence s’est transformée au fil du temps en une idée positive de quête que le dictionnaire définit comme « chercher à obtenir, souhaiter ». Autrement dit, « cesser de contempler l’étoile », c’est demander la Lune !
Désir et besoin
Comment différencier le désir du besoin ? Pour faire simple, j’ai faim donc j’ai le besoin de manger. Le choix d’un rôti de bœuf ou d’une tarte au citron pour assouvir ma faim relève du désir. Le besoin parle de ce qui est essentiel à la vie, le désir concerne le non-essentiel. On pourrait également dire que os besoins sont communs et nos désirs uniques. Ils font de chacun de nous un être spécifiques.
Du manque pour désirer
Comme le dit Platon dans le Banquet « On ne désire que ce dont on manque ». Car c’est bien de cela qu’il s’agit : du manque, et de l’apaisement des tensions qu’il suscite. Mais de quel manque parle-t-on ? Quelle est cette quête toujours en mouvement qui nous fait désirer et désirer encore sans jamais connaître de satisfaction définitive ?
Il s’agit en réalité de retrouver des émotions perdues, un sentiment de plénitude et de complétude. Ces sensations, c’est dans la symbiose maternelle que nous les avons goûtées, si peu que ce soit (Si nous ne les avions pas connues, nous n’aurions tout simplement pas survécu).
Le désir s’inscrit dans la quête de cet objet pourtant à jamais disparu. Pour le retrouver, ou plus exactement pour s’accorder l’illusion de le retrouver, nous investissons de notre désir des personnes, des objets, des projets, des plaisirs qui contiennent des traces plus ou moins lisibles de ces premières expériences de complétude.
Autrement dit, il existe deux niveaux au désir. Le premier, animal, conscient, qui se porte sur un objet défini. Et le second, plus souterrain, fantasmatique pourrait-on dire en termes psychanalytiques, qui concerne un vécu d’avant la mémoire, d’avant la pensée, d’avant le langage, le vécu des tout premiers mois de la vie. C’est l’élan vers cet objet fantasmatique qui crée le désir. L’objet réel sur lequel ce désir se concentre n’en est qu’une version sublimée, construite à partir de micro signes qui nous le rappellent.
Le désir, une satisfaction nécessairement éphémère
C’est pourquoi la satisfaction d’un désir ne peut être qu’éphémère. Le cycle se répète indéfiniment : le manque devient désir – d’un voyage, d’une position sociale, de cet autre qui nous séduit. Ce désir rencontre inévitablement une satisfaction incomplète car l’objet ou la personne ne sera jamais à la hauteur de ce que nous en rêvions. Mais surtout parce qu’ils ne sont qu’un ersatz de l’objet perdu. Le plaisir ressenti ne peut donc qu’être éphémère. Le manque ressurgit et un nouveau désir avec lui.
Les défaillances du désir
Ce cycle que nous venons de décrire résume un élan de vie positif en perpétuel mouvement. Mais il connaît parfois des défaillances. Reprenons les choses à leur origine : lorsque les élans pulsionnels du bébé n’ont pas été contenus par la mère, lorsqu’ils n’ont pas été nommés, « tu as faim, tu as peur, tu veux un câlin…», ils ne peuvent être conscientisés. Il en résulte une angoisse, et une difficulté, plus tard, à entrer dans ce cycle positif du désir. Pour dire les choses autrement, le désir devient désir du négatif au sens du négatif photographique. C’est à dire qu’au lieu de tendre vers la satisfaction du désir, le sujet organisera inconsciemment la non-satisfaction de ce désir.
Cela peut se traduire de plusieurs façons : soit par des buts inatteignables (je désire cette femme tellement amoureuse d’un autre), soit par la mise en place de comportements qui conduiront à l’échec d’un projet (j’arrive en retard à mon entretien d’embauche), soit encore par la destruction de l’objet même du désir (je me montre agressif avec la personne que je désire au lieu de la courtiser), voire la destruction du désir lui-même en le dévalorisant.
Nous, êtres désirants
Mais que ce soit dans la recherche de satisfaction ou dans celle de l’insatisfaction, tant qu’il y a de la vie, il y a du désir. Le manque fait de nous des êtres désirants.
Lacan a comparé le désir au furet de la chanson « il court, il court le furet », qui ne peut jamais être rattrapé. Nous vous invitons maintenant à nous raconter vos courses.
Christine Jacquinot & Marie Marvier – 5 mars 2015